Zébulon ou Le Chat

Zébulon ou Le Chat
(morceaux choisis)
par Maëlle Levacher

Dans cet ouvrage (à paraître aux éditions La Part Commune en avril 2019), l’autrice traite de la société des chats à la manière des moralistes du Grand Siècle. Né du chagrin provoqué par la disparition du chat Zébulon, le texte s’est développé grâce à l’imitation qui pouvait seule placer l’autrice à bonne distance historique et stylistique de sa propre existence, et alléger la charge pathétique de son discours de façon à le libérer.

9. Le chat : petite âme oisive, qui ne fait rien, qui ne dit rien ; qui, dans sa nonchalance, se donne la peine de nous reconnaître, et promène autour de nous les radiations douces de son mystère familier.

20. Qu’elle lève un bras : il saute comme pour s’y suspendre. Qu’elle se penche pour nouer ses lacets : il atterrit sur son dos. Tout mouvement d’elle lui est provocation.

28. Un chat assis ressemble à un roi debout dans une robe de sacre dont la traîne s’étire en cône derrière son dos. De sa queue ramenée devant lui sous ses pattes antérieures, sire Zébulon se fait un coussin moelleux ; souverain confort.

39. Qu’est-ce qu’un chat à sa toilette ? Un miracle de grâce se léchant le cul.

49. Opium en son temps était connu pour vrombir en se renversant sur le flanc dès que paraissait quelqu’un ; à ses caresses il offrait de prime abord son ventre philanthropique. Cette tendresse forcenée était cependant réservée à ses gens ; timide, il fuyait le bruit des hommes et du monde.

55. Rien d’apaisant comme la pulsation du ronronnement. Ce chat que l’on câline, c’est lui qui nous berce.

78. Il n’est pas de jour où, trouvant Zébulon assoupi à ses pieds, elle n’entreprenne la manœuvre préliminaire au câlin du matin. S’essayant aux mouvements reptiliens, se gardant de toute brusquerie, prévenant un réveil intempestif qui le ferait sursauter et se dresser mal disposé sur ses quatre pattes, elle se retourne dans le lit pour approcher de lui son visage et l’atteindre de la main. Elle l’effleure ; il ronronne, puis bâille en se déroulant, et s’étire sur le dos ; elle lui caresse le ventre. Ronronnant toujours et les yeux encore clos, il bascule sur le flanc et applique la douceur tiède et luxueuse de ses pattes tout le long des joues de la réveilleuse. C’est une volupté bien nette et bien pure que procurent les chatteries.

109. Zébulon bâille. Sa petite gueule ouvre au ciel les cimes d’ivoire d’une minuscule cordillère, qui siérait aussi bien à un fauve de boîte à musique. Pour le petit peuple-proie, c’est la Goule d’enfer.

Retour au sommaireRetour à l’accueil
Utilisation des articles

Laisser un commentaire